Contextes historiques
Référence antique
Réalisée par un peintre aux capacités artistiques rares, la fresque d'Enée a pour principaux intérêts certes l'opération chirurgicale mais peut être surtout, montré à l'intérieur d'un triclinium ( ou salle de banquet), un hommage à l'histoire mythologique des origines de Rome.
En effet, d'après le récit légendaire de Virgile, Romulus et Rémus seraient les descendants d'Énée par leur mère la vestale Rhéa Silvia et fils du dieu de la guerre Mars. Les Romains considéraient Enée comme le père fondateur de leur civilisation. Et la famille romaine des Julii (la gens Julia en latin) traça son origine généalogique depuis Iule, fils d'Énée, aussi présent sur cette œuvre.
Ier siècle - Pompéi, éruption du Vésuve
On ne connaît que le siècle de la création de la fresque d'Enée, aucune date précise n'a ainsi été établie. Je ne m'attarderai donc pas sur un contexte inconnu de création de l'œuvre mais plutôt sur l'évènement qui aurait pu la détruire.

L'éruption du Vésuve, survenue le 24 août en l'an 79 ap. J.-C. à 13h, est sans doute l'une des catastrophes naturelles les plus célèbres de l'Histoire. Un nom reste indissociable du « Vésuve » lorsque l'on raconte cette histoire : celui de Pompéi. Cette ville romaine, située dans la baie de Naples à une distance de seulement quelques kilomètres du volcan, est principalement connue pour avoir subi les foudres de ce dernier dont la dernière éruption remonte à 1944. C'est justement dans cette ville que la fresque d'Enée a été trouvée.
Mais l'ancienne ville romaine n'est pas la seule à avoir été dévastée par cet éruption, c'est également le cas des villes voisines d'Herculanum, Oplontis et Stabies qui ne sont aujourd'hui plus que des ruines.
« La nuée s'élançait dans l'air, sans qu'on pût distinguer à une si grande distance de quelle montagne elle sortait. »
Il y a près de 2 000 ans, Pline Le Jeune faisait la première description historique de l'éruption, précédée par plusieurs jours de tremblements de terre, esquissant une nuée en forme de tronc allongé « avant de se déployer comme un rameau ».
Le ciel ne tarde alors pas à s'assombrir, obstrué par les matériaux volcaniques et la cendre qui s'échappent du volcan. « La mer semblait se renverser sur elle-même... », « une nuée noire et horrible, crevée par des feux qui s'élançaient en serpentant », « Je tourne la tête et j'aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suivait, en se répandant sur la terre comme un torrent ... ».
La description imagée de l'écrivain nous permet de nous représenter aisément cette nuée, composée en réalité de gaz, de cendres et d'autres morceaux de roches destructeurs.
Ces nuées ardentes ont tout enseveli sur leur passage et ont causé la mort de 15 000 habitants selon les estimations. La cause précise de la perte de vie de ces nombreuses victimes est toujours à l'étude, notamment grâce à l'analyse des 1150 pétrifiés de Pompéi.
XVIIème siècle - Rembrandt, La Leçon d'anatomie
Contexte politique et social
Après trente ans de lutte, sept provinces des Pays-Bas dont la Hollande se sont libérées du joug espagnol et ont formé les Provinces Unies. Ces provinces sont très tolérantes et accueillent juifs et calvinistes, Descartes y demeurera pendant un temps en 1628. La Hollande du XVIIe siècle connaît un essor économique foudroyant et une grande prospérité grâce au commerce maritime. En effet, la moitié du négoce européen transite sur des navires hollandais. Amsterdam est le centre économique, politique et culturel des Provinces Unies. On y trouve un grand nombre d'artistes qui gagnent leur vie grâce à la mode des portraits de groupe commandés par la bourgeoisie.
Nicolas Tulp, l'homme de la leçon, est l'un des personnages clés d'Amsterdam. Il sera huit fois trésorier de la ville et bourgmestre à quatre reprises, le bourgmestre étant le premier magistrat. En plus d'être un homme politique, il est aussi un anatomiste et un chirurgien. L'année du tableau, en 1632, il est depuis quatre ans le Praelector de la Guilde des chirurgiens, c'est-à-dire qu'il a été élu par la Cité pour enseigner l'ostéologie, la physiologie, la zoologie et l'anatomie chirurgicale. C'est à ce titre qu'il s'entoure des chirurgiens les plus connus de la ville pour immortaliser une dissection publique. La leçon d'anatomie est donc en première approche la mise en scène d'une corporation sociale influente.
Contexte scientifique
Même si Tulp n'a pas laissé son nom dans l'histoire de l'anatomie, on lui doit quelques avancées comme la description de l'anatomie de la valvule iléo-caecale ou encore la mise en évidence des méfaits du tabac sur l'appareil respiratoire.
L'ambition de Tulp est d'être vu comme le Vésale du XVIIe siècle, Vésale (1514-1564) étant considéré par de nombreux historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance, voire le plus grand de l'histoire de la médecine. Moins d'un siècle plus tôt, Vésale a opéré une rupture radicale dans la connaissance anatomique en réfutant la théorie galénique du flux sanguin. Cependant l'anatomie de Vésale reste une anatomie descriptive tandis que le climat intellectuel du XVIIe siècle est celui d'une remise en cause profonde de la conception aristotélicienne du mouvement. Préparée par l'hypothèse copernicienne de l'héliocentrisme, la révolution du XVIIe siècle aboutit à l'édifice intellectuel le plus prodigieux de l'histoire humaine puisqu'il a façonné le monde d'aujourd'hui : la mathématisation de la nature issue notamment des travaux de Galilée, Descartes, Pascal et Newton. Désormais, les lois de l'univers s'écrivent en des termes mathématiques ce qui assure l'universalité et la prédictibilité des phénomènes.
Le XVIIe siècle est le siècle du mouvement qui clôt définitivement l'univers d'Aristote et de Galien. En 1628, Harvey expose sa découverte du mécanisme de la petite et de la grande circulation sanguine dans « De motu cordis et sanguinis » ce qui marque le début de l'étude des phénomènes physiologiques.
Contexte historico-culturel
Certains comme Sebald utilisent le fait que le corps du cadavre est intact pour affirmer qu'il ne s'agit pas d'une vraie leçon d'anatomie. En effet au XVIIe siècle, la Guilde des chirurgiens d'Amsterdam n'autorisait qu'une dissection publique par an sur le corps d'un condamné à mort. Les dissections avaient lieu pendant les mois d'hiver propices à la conservation des corps. Cela permettait également de limiter les odeurs. Ces dissections a capite ad calcem (« depuis la tête jusqu'aux talons »), en débutaient presque toujours par les viscères abdominaux. Le 16 janvier 1632 le docteur Tulp délivre sa fameuse leçon d'anatomie. On peut alors se demander pourquoi Tulp a décidé d'être représenté en train d'œuvrer à la dissection d'un avant-bras. L'avant-bras ne peut être considéré comme le centre d'intérêt de la dissection car ce qui importe dans la scène est en réalité la main du cadavre dont la dissection est d'une précision rigoureuse quant à l'insertion des muscles fléchisseurs. Comme nous l'avons déjà évoqué, Tulp est en quête de gloire et de considération éternelle en surpassant Vésale qui s'était fait représenter debout à côté d'un avant-bras et d'une main écorchés, enserrant de sa main gauche l'origine des muscles moteurs extrinsèques de la main décrite comme la « primarium medicinae instrumentum ». Tulp choisit, à l'instar de Vésale, de disséquer une main et un avant-bras dans l'intention de montrer la mécanique du corps humain en action.
Quant au lieu de ces dissections, ces dernières se tenaient dans de vastes amphithéâtres, d'une structure le plus souvent circulaire et faite de bois. En optant pour des bâtisses de ce modèle architectural, les spectateurs pouvaient ainsi assister à la leçon d'anatomie, peu importe où ils se situaient dans le bâtiment. L'ouverture au plus grand nombre s'avère ainsi un souci central de ces bâtiments à vocation scientifique, sachant que ces cours qui ne se tenaient qu'une fois l'an, et qui étaient prodigués par des docteurs de renom, attiraient les foules.
Si la scène peut nous paraître étrange pour notre période contemporaine, il faut garder en mémoire que dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, ces cours spécifiques de médecine se tenaient en public, et étaient ouverts à tous ceux souhaitant découvrir les secrets du corps, « cet autre monde qu'est l'homme » comme le soulignait déjà François Rabelais un siècle plus tôt. Mais ce cours magistral mené par le docteur Tulp ne porte pas uniquement un discours éminemment scientifique. En effet, dans une nation très religieuse comme les Pays-Bas marqués par la domination espagnole, il était de coutume à cette époque de penser que l'enveloppe charnelle n'était autre qu'un don de Dieu. C'est ainsi que ces leçons magistrales revêtaient une double fonction : scientifique bien évidemment, mais tout également religieuse. Il s'agissait de constater la finesse des créations supérieures, d'observer avec quel soin, avec quelle patience, une force divine aurait modelé l'homme à son image. Les dissections étaient alors souvent précédées d'une introduction moralisante portant sur la fragilité de la condition humaine sous son double aspect de finitudes et de tentations permanentes et le Praelector expliquait au public que la science de l'anatomie était une voie de la connaissance de Dieu. La main était d'ailleurs considérée comme la preuve la plus visible de la présence de Dieu en l'homme