Descriptions des œuvres - scènes
Enée blessé

Cette fresque donne toute la place aux personnages qu'elle représente et qui rappellent le mythe dans lequel ils s'inscrivent. Le but de l'artiste était ici de décrire une petite action parmi beaucoup d'autres dans le long récit qu'est l'Enéide et non de raconter une histoire et son contexte, déjà longuement racontée dans cet ouvrage littéraire.
Au premier plan , nous pouvons voir Énée appuyé sur sa lance, il est blessé à la jambe. Un homme agenouillé est en train de soigner sa cuisse et tente de tirer le pic d'une flèche ennemie hors de sa cuisse droite avec une pince ou un scalpel. Énée entoure de sa main gauche un enfant qui pleure, probablement son fils Iule. A l'arrière plan, nous pouvons remarquer qu'Énée est accompagné de quelques soldats, peut-être Ascanius, Achates et Mnesteo mentionnés dans le récit mythique, mais aussi de la déesse Vénus, sa mère. Elle est la déesse de la beauté d'où l'éclat de lumière qui l'entoure. Vénus et les soldats sont tous témoins de la scène .
La leçon d'anatomie
Le noir et le blanc, l'ocre et le gris, dominent en clair-obscur. On ne voit pas l'origine de la lumière, mais celle-ci éclaire les visages, les mains, et la plus grande partie du cadavre. La main gauche et l'avant-bras disséqués attirent le regard par son alternance de teintes rouges et blanches (muscles, tendons et aponévroses).
Le cadavre occupe la place centrale et est disposé en diagonale par rapport au bord inférieur de la toile. Il reçoit la majeure partie de la lumière ce qui peut paraître choquant dans le contexte de l'époque car on représentait habituellement le visage des cadavres couverts par un linge comme dans ce tableau de Mierevelt:
Leçon d'anatomie de Willem van der Meer par Mierevelt (1617)
Ses pieds sont dans l'ombre, avec un livre ouvert dans le coin inférieur droit du tableau qui serait probablement le traité d'anatomie de Vésale De humani corporis fabrica, auteur dont Tulp était l'élève.La présence de ce livre pourrait signfier que Tulp se réfère à son maître et lui rend en quelque sorte hommage.
Le tableau s'organise en triangles et en losanges. La personne de Tulp forme en elle-même un triangle massif, qui s'impose et s'oppose, seul sur la droite du tableau, et seul à porter un chapeau. Tulp tient une pince de la main droite, exposant un muscle fléchisseur, et de la main gauche, il semble esquisser un mouvement.
Les assistants forment aussi des triangles. Un triangle externe est celui des personnages droits qui semblent plutôt regarder soit le spectateur, comme une invitation à voir, soit le livre ouvert pour comparer ou vérifier. Une analyse aux rayons X a révélé que le personnage debout au dernier rang portait d'abord un chapeau, que Rembrandt a finalement enlevé.
Un triangle interne est celui des personnages penchés en avant, dont l'un masque la tête du cadavre, la laissant à moitié dans l'ombre. L'effet produit est un mouvement horizontal, fait de regards, de tensions, d'attentes ou d'attentions.
On peut s'intéresser aux mains qui, avec les visages, sont les deux éléments anatomiques principalement mis en avant par le tableau du maître hollandais. De sa pince, le Docteur Tulp semble décrire l'utilité des muscles fléchisseurs superficiels des doigts, et ce choix de dissection spécifique offre une opportunité idéale pour Rembrandt d'illustrer la virtuosité de son pinceau, en livrant au regard du spectateur une représentation anatomique précise et juste, qui n'aurait rien à envier aux fameuses planches des encyclopédies médicales.
La main gauche de Tulp semble montrer que s'il soulève sa pince, certaines phalanges vont bouger. La position de la même main gauche de Tulp préfigure ce qui va se passer, avec un poignet en extension maximum et les articulations métacarpophalangiennes en rectitude, position qui va permettre de très bien voir la flexion des articulations inter-phalangiennes proximales des doigts. Tulp réalise donc ici une démonstration de la commande du mouvement des doigts.
Attardons-nous sur le regard des deux personnages situés à droite de Tulp et qui semblent suivre attentivement la leçon : l'un regarde la main disséquée, l'autre la main gauche du professeur. On peut même dire pour ce dernier spectateur que sa propre main gauche posée devant lui préfigure, inconsciemment sans doute, ou se prépare à mimer ce que va faire la main de Tulp et les doigts du cadavre, c'est-à-dire fléchir le bout des doigts !
Mais au-delà du sujet de physiologie fonctionnelle et de l'atmosphère scolaire se dégageant de la célèbre peinture, Rembrandt offre plus spécifiquement une description de la curiosité et de la soif du savoir, ce choix passant nécessairement par la rupture d'une tradition de la représentation des cours de médecine, en optant pour un groupe restreint de personnages, là où les réalisations antérieures figuraient habituellement un grand nombre d'observateurs. Si l'ambiance est plongée dans une obscurité volontaire, afin de disséminer des touches de lumière parcimonieuses afin de mieux mettre en avant les éléments d'importance tels que le cadavre, les visages ébahis et les mains, la toile de Rembrandt se veut porteuse d'un message d'illumination. Les Pays-Bas du XVIIe siècle baignaient effectivement dans une époque de foisonnement intellectuel, tout particulièrement marqué par le renouvellement du sujet du mouvement du corps, que ce soit en anatomie, en philosophie ou en physique. C'est en effet à cette époque que René Descartes s'est exilé en Hollande, tandis que ses écrits sur les mouvements de l'âme enflammaient les esprits éclairés européens. Or, ce penchant soudain ne pouvait que marcher de concert avec un souci nouveau des mouvements du corps, exclusivement moteurs. Néanmoins, ces fameuses leçons d'anatomie n'ayant lieu qu'à de très rares occasions, il est compréhensible que chacune d'entre elle représentait un véritable événement ; tant et si bien que Rembrandt décida d'ajouter sa pierre à l'édifice en peignant la scène, avec ces mêmes teintes terreuses et ses rares touches de lumières caractéristiques de son œuvre.